Le Morvan, massif granitique situé au cœur de la Bourgogne, est une terre marquée par une longue tradition agricole. De la Révolution française aux années 1950-60, la petite propriété paysanne y domine, façonnant un paysage rural où la ferme devient un modèle d’autonomie et de résilience.
Un modèle d’autosuffisance et de polyvalence
Jusqu’à la moitié du XXe siècle, l’économie agricole du Morvan repose sur une complémentarité entre cultures vivrières et élevage, rendant les fermes presque autosuffisantes. Cette autarcie impose aux paysans d’exploiter au maximum les ressources locales et de maîtriser un large éventail de savoir-faire.
La « boutique » : un atelier au cœur de la ferme
Chaque ferme morvandelle comprend un espace dédié aux réparations et aux travaux artisanaux : la « boutique ». Véritable petit atelier, elle abrite les outils nécessaires au travail du cuir, du bois, du fer et parfois une modeste forge. Les artisans locaux, forgerons, charrons ou sabotiers, ne sont sollicités que pour les tâches requérant un savoir-faire spécialisé. Cet atelier est un symbole de l’ingéniosité paysanne et de l’économie de moyens qui caractérise la région.
Une organisation adaptée aux besoins agricoles
Les fermes du Morvan possèdent un matériel varié destiné à répondre aux exigences de la vie agricole :
- Outils de foresterie pour la coupe et le façonnage du bois, indispensable au chauffage et à la construction,
- Instruments de battage des céréales et de travail de la terre,
- Équipements pour l’élevage bovin, activité centrale dans la région,
- Moyens de transport, comme la charrette et le chariot,
- Dispositifs de vannerie et tressage de cordes, témoins d’un savoir-faire ancestral.
Malgré cette recherche d’autonomie, la solidarité reste un élément clé de la vie rurale. Les travaux des champs sont souvent réalisés en entraide entre voisins, une pratique encore vivace dans certaines campagnes morvandelles.
L’architecture des fermes morvandelles
L’architecture des fermes du Morvan reflète les contraintes du climat et la disponibilité des matériaux locaux.
Les matériaux et l’organisation des bâtiments
Construites en granite, les fermes disposent de toits en tuiles plates ou en chaume (jusqu’au XIXe siècle). L’habitat est souvent accolé à l’étable, dans un souci de fonctionnalité et de conservation de la chaleur en hiver. Le four à pain, élément essentiel de la ferme, est généralement séparé de l’habitation pour limiter les risques d’incendie.
Les bâtiments agricoles suivent un schéma traditionnel : une habitation modeste, des étables pour les bovins, un grenier à foin et un potager, assurant une autosuffisance alimentaire.
Les évolutions au fil des siècles
Avec l’amélioration des techniques agricoles et l’introduction progressive de la mécanisation après la Seconde Guerre mondiale, les fermes du Morvan se transforment. Les bâtiments s’agrandissent, de nouveaux matériaux apparaissent (tôle ondulée, ciment), et l’organisation des exploitations évolue vers une spécialisation accrue, notamment dans l’élevage bovin.
Une transition vers un nouveau modèle agricole
À partir des années 1960, l’exode rural modifie profondément le paysage agricole morvandiau. La diminution du nombre d’agriculteurs entraîne l’abandon de nombreuses petites exploitations et la restructuration des fermes restantes.
Aujourd’hui, si certaines fermes traditionnelles subsistent, elles sont souvent réhabilitées pour de nouvelles activités : gîtes ruraux, fermes pédagogiques ou exploitation agroécologique. Le développement du tourisme vert et des circuits courts redonne vie à ces bâtiments et valorise le patrimoine agricole morvandiau.
Sources et références
- « Le Morvan : Histoire et Traditions rurales », Pierre Léger, Éditions de Bourgogne, 1998.
- Archives départementales de la Nièvre et de la Saône-et-Loire : documents sur l’évolution agricole du Morvan.
- « Les Fermes d’antan : Vie et travaux des paysans du Morvan », Jean-Luc Desplanches, Éditions de la Montagne, 2005.
- Témoignages d’anciens agriculteurs recueillis dans le cadre du programme « Mémoire du Morvan », Musée de la Résistance et de l’Agriculture.